The End of a Line


© Charif BENHELIMA
Cité Fontainas, 4A , 1060 - Bruxelles - Saint-Gilles
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https://www.contretype.org/charif-benhelima

Les lignes de force qui traversent l’œuvre de Charif Benhelima convergent pour l’essentiel vers la question de l’identité. Si cette problématique s’ancre dans un rapport autobiographique assumé, elle fait écho dans son œuvre à des vécus autres que le sien, à un universalisme lié à la question de l’autre, de l’étranger. Abordé à travers le portrait (Welcome to Belgium, Semites), ce thème se décline aussi dans son œuvre sous des aspects plus inattendus, au travers notamment d’images de végétaux, déclinant à leur manière les notions d’enracinement et de dissémination. L’invitation à exposer chez Contretype a été saisie par Charif Benhelima dans la continuité de ces préoccupations et exhume un travail jusque-là inédit: un ensemble de prises de vues réalisé au Brésil entre 2002 et 2003 à la Colônia Juliano Moreira. Ainsi baptisée en hommage au psychiatre et pionnier de la psychanalyse au Brésil, Juliano Moreira (1872-1933), qui lui a donc donné son nom, cette institution de santé mentale a été créée en 1924. Elle s’est implantée sur un vaste territoire -à l’origine une colonie agricole-, dans la région de Rio de Janeiro. Accueillant aussi bien des malades psychiatriques que des alcooliques ou des personnes dites «déviantes», cette institution a permis à Moreira de mettre en pratique une autre vision de la psychiatrie, se refusant à enfermer les patients et les autorisant à résider avec leur famille. Le territoire de la Colônia Juliano Moreira, institution pensée comme un lieu ouvert, est d’ailleurs encore accessible aujourd’hui au public. Cette reprise par Benhelima de ces archives inédites s’est produite à la lumière de la crise sanitaire et des diverses mesures qui ont été imposées pour tenter de la contenir, de manière aussi soudaine que brutale. Le contexte actuel induit dès lors une lecture allégorique des images prises à la Colônia Juliano Moreira, lieu de vie en collectivité mais où les résidents sont néanmoins reclus du fait de la maladie, même dans un vaste périmètre ouvert.

Les questions liées à la santé mentale et comment nous choisissons de l’intégrer -ou pas- dans nos sociétés prennent aujourd’hui un relief particulier, dès lors que l’incidence de la pandémie sur les psychismes a fini par faire plus de victimes que le virus de la Covid 19 lui-même. 

Le travail sur le long terme mené par le photographe, procédant ici en différé des prises de vue, revient à leur conférer une actualité qui ne renvoie pas tant à celle des images elles-mêmes qu’à celle du contexte de leur contemplation par le spectateur. L’effet de rapprochement de cette distance temporelle se matérialise dans l’économie spatiale de l’accrochage de l’exposition. La présentation exhaustive de la série, par des formes de planche-contacts de grand format, ponctue l’exposition d’agrandissements qui imposent au spectateur de physiquement se distancer de l’image, pour se rapprocher à nouveau des formats réduits. Cette question de la juste distance -de la prise de vue comme de la contemplation de l’image- traverse l’œuvre du photographe. Elle résonne de manière particulière à une époque où cette distance à l’autre se trouve imposée, mesurée, dictée par la seule préoccupation sanitaire.

Au réalisme de ces images s’associe un second niveau de lecture qui, s’il ne vise pas délibérément l’universalisme, l’atteint par surcroît. Welcome to Belgium était déjà parti d’une réalité (auto)biographique pour l’étendre à des prises de vue s’intéressant aux conditions de vie des immigrés, clandestins ou non. The End of a Line procède aussi de cet aller-retour entre le particulier et le collectif, dans un recours au noir et blanc qui essentialise le rapport à l’autre. L’étrangeté à l’autre comme l’étrangeté à soi y figurent sans écran, presque matérialisées par le grain de l’image qui réussit miraculeusement à rapprocher le lointain, au moins par sa représentation.

Danielle Leenaerts, commissaire de l’exposition

La galerie est accessible au public du mercredi au vendredi de 12h à 18h, samedi et dimanche de 13h à 18h, sauf jours fériés (fermeture de la galerie du 14/07 au 17/08/2021 inclus)

Avantages Carte PROF pour cet évènement

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